Présentation
Il y a 50 ans, le jour de Pâques 1957, le Pape Pie XII adressait à tous les Evêques une lettre intitulée « le don de la foi » (Fidei donum).
Par cette encyclique, il voulait dynamiser la coopération missionnaire entre toutes les Eglises du monde : « Que les Eglises d’Europe riches en foi, riches en prêtres aient le courage de faire le don de la foi à d’autres Eglises, d’établir un partage, une communion entre Eglises ».
L’encyclique encourageait l’envoi en mission de prêtres et coopérants laïcs pour une durée limitée : « Que les Evêques autorisent certains de leurs prêtres, fusse au prix de quelques sacrifices, à partir se mettre pour une durée limitée à la disposition des Evêques d’Afrique».
En 1961, Jean XXIII, dans une lettre adressée au Cardinal LIENART, Evêque de Lille et président de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France, lançait un appel semblable pour l’Amérique Latine.
Ces deux lettres devaient avoir un impact considérable dans les Eglises d’Europe et notamment l’Eglise de France qui avait déjà une grande tradition missionnaire. Ainsi, en quelques années, des centaines de prêtres diocésains et de coopérants laïcs sont partis pour l’Afrique et l’Amérique du sud.
Dès 1960, on comptait pas moins de 80 prêtres français travaillant dans 27 diocèses d’Afrique.
Notre diocèse devait prendre sa part dans cet effort missionnaire.
En effet, dès 1959, Mgr GUERRY envoyait deux de ses prêtres en mission au loin, l’Abbé Jean VISSE au Cameroun et l’Abbé Prudent GUEUDIN en Algérie.
A leur suite, 9 autres prêtres du diocèse de Cambrai devaient connaître la même expérience :
6 en Afrique : Henri-Pierre BAILLEUX au Tchad, Philippe DEWAILLY à Madagascar, Michel RIMAUX en Côte d’Ivoire, Hervé LE MINEZ au Burkina-Faso, Gérard DUHAUBOIS au Togo et Luc OSWALD au Bénin.
3 aux Amériques : Charles PLANCOT en Argentine, Michel PITON au Honduras et Xavier BRIS à Cuba.
L’Encyclique de Pie XII s’adressait d’abord aux Evêques pour les inciter à envoyer des prêtres et des laïcs en mission au loin mais les Congrégations religieuses se sont associées avec enthousiasme et générosité à ce renouveau missionnaire. Ainsi, suite à cet appel, 182 Congrégations religieuses sont devenues internationales.
C’est ainsi que, dans notre diocèse, les Religieuses de Ste Thérèse d’Avesnes-sur-Helpe se sont implantées à Madagascar tandis que les Religieuses Augustines de St Amand-les-Eaux, répondant à l’appel de Mgr HANRION, alors Administrateur Apostolique de Dapaong, envoyaient en 1962 au Togo, quatre Sœurs et une laïque à Dapaong.
A l’occasion du 50è anniversaire de l’encyclique «Fidei donum», cette petite brochure a pour but de rappeler l’aventure vécue par ceux et celles qui, de chez nous, ont répondu à l’appel de Pie XII et aussi, peut-être, d’éveiller de nouvelles vocations à aller au loin partager, pour quelques années, la Bonne Nouvelle du Christ.
Au nom de l’Equipe diocésaine de Coopération missionnaire,
Sœur Marie-Dominique et l’Abbé Hervé LE MINEZ
1957 - 2007
50è anniversaire de l’encyclique
« Fidei donum »
Le lundi 1er octobre 2007, cet anniversaire a été fêté à Lisieux en présence du Cardinal Indien Yvan DIAS,
Préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples. Notre diocèse de Cambrai y était représenté par Mgr François GARNIER et par une importante délégation de Religieuses, de prêtres et d’anciens coopérants.
Prêtres « Fidei donum » actuellement dans notre diocèse :
Abbé Paul NDAY’A MAKOLO (du Congo démocratique ) en paroisse à Avesnelles
Abbé Lin MAHANTANA (de Madagascar) en paroisse au Quesnoy
Prêtres de notre diocèse ayant été « Fidei donum » :
Abbé Charles PLANCOT - Argentine 1969-1978
Abbé Michel PITON - Honduras 1969-1980
Abbé Henri-Pierre BAILLEUX - Tchad 1972-1977
Abbé Michel RIMAUX - Côte d’Ivoire 1983-1989
Abbé Xavier BRIS – Cuba 1986-1992
Abbé Hervé LE MINEZ - Burkina-Faso 1990-1993
Abbé Gérard DUHAUBOIS – Togo 1998-1999
Abbé Luc OSWALD - Bénin 1999-2005
Parmi ceux qui ont vécu l’expérience «Fidei donum», l’Abbé Aimé DEUDON tient une place particulière. En effet, quelques mois après son arrivée au Togo, il est décédé. Il repose dans le cimetière chrétien de Dapaong.
Abbé Aimé DEUDON
1986-1987
Le don de sa foi et de sa vie
Lettre-circulaire annonçant son départ à sa famille et à ses amis :
« Marpent, le 24 janvier 1986
Bien chers frères et sœurs, neveux et nièces, oncles et tantes et vous tous mes Amis,
C’est pour vous annoncer une nouvelle qui va sans doute vous surprendre que je vous envoie cette circulaire, mais rassurez-vous, une bonne nouvelle quand même.
A cause de mon âge, elle va peut-être vous apparaître comme une folie : le Père DELAPORTE, notre Evêque en a convenu, mais il m’a cependant donné son accord, sans doute parce que c’est une folie pour Jésus-Christ et son Eglise.
Alors, en effet, qu’à la soixantaine, il est légitime d’aspirer à une petite vie tranquille de retraité et que la paroisse de Marpent, son sympathique presbytère, la jeune équipe des prêtres du secteur m’offraient les conditions idéales d’acheminement vers cette situation, une promesse que je m’étais faite en Afrique, un certain jour de juillet 84, d’y revenir pour y assurer un ministère pastoral, n’a cesse de me travailler depuis mon retour.
J’ai d’abord pensé cette promesse absolument irréalisable étant donné mon âge, et je l’avais mise « au rencart ». Le Père DELAPORTE lui-même la faisait resurgir lors des vœux perpétuels de Sœur Genevière-Marie, en me faisant part de sa crainte lorsqu’il avait appris mon voyage au Togo, que je ne lui demande de partir au titre de « Fidei donum ». S’il pensait que je pouvais lui poser une telle demande, la conclusion s’imposait à moi : je me faisais peut-être de mon âge, un prétexte.
Un entretien avec le Père prédicateur de la retraite que je fis en avril 85 chez les Religieuses de St Amand enfonçait le clou : « L’âge n’est pas un obstacle pourvu que votre santé soit bonne », me répondait le Père. Il n’y avait pas de doute, l’Esprit Saint était en train de me coincer.
Revoyons donc notre Père Evêque : peu de surprise de sa part à l’exposition de mon projet de retourner en Afrique. Il est vrai qu’un Evêque doit toujours contrôler ses réactions. Mais il m’impose bilan de santé et six mois de probation dans une attente calme. Bilan de santé sans histoire : le généraliste me dit, avant que je ne l’aie mis au courant de quoi que ce soit, que j’ai beaucoup de chance d’être encore dans un si bon état physique. « Touchons du bois », çà peut vite aller mal !
Mais en attendant, aucun motif de me dérober. Les six mois passent. Un courrier de l’Evêque me donne feu-vert pour rencontrer à Paris, le Père ROUSTAN, responsable des Missions à l’extérieur.
Le 15 novembre dernier, je rencontre ce très sympathique Père sur le point d’entreprendre un périple en Afrique pour visiter les prêtres français déjà là-bas. Il doit passer à Dapaong, verra le Père REINHART qui, depuis la démission de Mgr HANRION, est responsable du diocèse au titre d’Administrateur apostolique et envisagera avec lui la possibilité d’accueil d’un prêtre, puisque je suis déjà aller au Togo. J’apprenais entre-temps qu’il y avait quelqu’un à remplacer à Dapaong et je faisais part de mon projet au Père Pierre REINHART par un courrier.
Aujourd’hui, réponse par téléphone du Père ROUSTAN : « Votre Evêque étant d’accord, le Père Pierre vous accueillera volontiers pour un ministère à la paroisse de la cathédrale de Dapaong. Vous pouvez même prévoir, comme vous me le suggériez dans une de vos lettres, votre départ en juin, juillet, mois où l’adaptation au climat d’Afrique n’est pas trop difficile ».
Et voilà comment, il me faut vous préparer et me préparer à ce nouveau ministère que, si Dieu le veut, j’exercerai, là-bas, au moins pendant trois ans au titre de « Fidei donum », avec quelques semaines de vacances en France après un an et demi.
Il se peut que ma décision de partir si loin (bien que le « loin » soit tout à fait relatif : 4 heures et demie d’avion…) et si longtemps, vous cause de l’inquiétude et même de la peine. Vous voudrez bien m’en excuser et offrir ce sacrifice pour le soutien de ma générosité et la compréhension de ce que l’Esprit Saint veut nous faire découvrir.
En tout cas, dès maintenant, et bien conscient que c’est en votre nom à tous qu’aura lieu mon départ, je me permets de beaucoup compter sur votre prière ».
Abbé Michel PITON
au Honduras, découverte d’une Eglise nouvelle 1969-1980
« 1967 - Dans le sud du Honduras, prélature de Choluteca, la situation n’est pas brillante : pas un seul prêtre du pays. Heureusement, 30 prêtres canadiens sont arrivés en renfort, mais qu’est-ce que cela dans une région bien peuplée, sans routes dans les montagnes, un climat éprouvant. Heureusement surtout, l’Evêque, Mgr GERIN, canadien lui aussi, a eu l’idée géniale d’appeler des laïcs volontaires pour célébrer la Semaine Sainte. Succès énorme qui enclenche une pastorale toute différente avec la mise en place d’équipes de « délégués de la Parole » dans chaque village, formation de communautés de base, dans la ligne de l’assemblée de Medellin qui a concrétisé les intuitions de Vatican II.
Et voilà le travail que m’assigne l’Evêque : former cette foule d’hommes, les aider à célébrer d’une façon vivante, à consolider les équipes qui lancent les coopératives, les groupes de femmes, les écoles, les projets d’eau potable.
Pas question de donner une formation classique. Trop de « cursillos » dans le pays ont bourré le crâne de ces pauvres hommes qui arrivaient après 5 h de marche et terminaient le soir avec des cachets d’aspirine. Une méthode simple bien qu’elle demande beaucoup de préparation : quels sont les problèmes que nous rencontrons chez nous ? Mettons-nous par petits groupes pour mettre cela au clair. Et maintenant que nous dit l’Ecriture à ce sujet ? Ou, à l’inverse, lisons la parabole du Bon Samaritain, « dramatisons-la » avec ses différents personnages. Qui sont aujourd’hui les blessés au long de la route, et les voleurs ? Qui sont les samaritains, que font-ils pour aider ? Et maintenant chacun essaie de reprendre tout cela pour en discuter avec la communauté de son village. Essayons tout de suite. Méthode qui paraît lente et qui a engendré des incompréhensions. Mais quelle efficacité !
J’ai pu la mettre en pratique plusieurs années dans la paroisse de la cathédrale avec ses 70 villages en plus de la ville, avec un jeune hondurien qui deviendra prêtre, en même temps que dans les autres paroisses du sud.
Le jour où un prêtre maltais meurt en voiture dans le Olancho, zone conflictuelle, je suis appelé en renfort pour le même travail sauf que, là, les problèmes de la terre et des conflits créent une toile de fond redoutable et aboutissent en 1975 à un massacre.
Nouvelle mutation : formation des laïcs pour tout le pays avec le cubain qui était mon curé à Choluteca. Là, c’est plutôt la formation des équipes diocésaines, l’élaboration avec elles de nouveaux programmes au sujet de la doctrine sociale de l’Eglise, des documents qui nous viennent de l’assemblée des Evêques à Puebla et d’autres thèmes décidés par l’équipe nationale. C’est le même enthousiasme que je rencontre partout d’une Eglise jeune, missionnaire, en recherche perpétuelle. Surtout, c’est la découverte d’un Corps qui fonctionne avec tous ses membres et pas seulement avec sa tête sacerdotale. Chacune des assemblées comporte une énorme majorité de laïcs et tous décident ensemble.
Un signe éclatant de ce dynamisme : le diocèse de Choluteca qui n’avait aucun prêtre en 1967 en compte aujourd’hui une vingtaine, tous issus de la Célébration de la Parole. Même constat pour les Religieuses en multipliant par trois !
Comme le Honduras et en particulier le diocèse de Choluteca ont été précurseurs dans les communautés de base, j’ai été invité à aller présenter l’expérience dans d’autres pays, au Mexique, Panama, au Nicaragua avant et après la révolution sandiniste, au Guatemala avec les tribus indigènes, toujours en soulignant les enjeux théologiques.
Ma dernière expérience qui s’est gravée dans ma mémoire, celle des camps de réfugiés salvadoriens en 1981 où j’ai pu admirer les fruits des communautés de base sur la Parole de Dieu. Même des médecins sans frontières plus ou moins marxisants n’en revenaient pas de voir la capacité de rebondissement de ces pauvres matraqués par l’armée et leur organisation communautaire pour prendre en main la vie des camps. « Et ils font tout cela avec leur Bible ! » me disait l’un deux.
Je me pose souvent la question : notre pays repasse allègrement par les étapes de la violence qui a empoisonné l’Amérique Centrale après les Etats-Unis, avec l’insécurité, les bandes de délinquance dans les quartiers. Serions-nous capables d’importer le dynamisme des Eglises qui ont fait confiance aux Chrétiens les plus démunis pour insuffler chez nous le levain de l’Evangile ? ».
Fidei donum en Argentine, Charles PLANCOT
« Ma mission Fidei donum se situe entre septembre 1969 et Noël 1978. Après quatre mois d’espagnol avec Michel PITON à Cuernavaca, au Mexique, je partis avec Gabriel LONGUEVILLE (du diocèse de Viviers) en Argentine (Gabriel sera assassiné avec son vicaire en juillet 1976 ainsi qu’un militant rural et leur Evêque, Mgr ANGELELLI, le 4 août).
Accueilli avec enthousiasme par DI STEFANO, Evêque de Saenz Pena, dans le nord-est argentin, j’y vécus une expérience extraordinaire dans une paroisse immense très isolée : Tres Isletas. La mission qui nous fut confiée était le service des plus pauvres : les paysans, les bûcherons et les « indiens ».
Grâce à Dieu, ces différents groupes prirent vite conscience de leur dignité et purent revendiquer leurs droits jusque-là bafoués. Notre Evêque était pénétré du message de l’assemblée de Medellin. Il y avait participé au sein de la commission « Justice et Paix » et se compromit à fond jusqu’à la visite du Président, le général LANUSSE. C’est alors qu’il céda à de multiples pressions et « retourna sa veste ». Notre équipe de laïcs, de religieuses et de prêtres devint indésirable et, après deux années difficiles, suite à l’arrestation et la torture de deux confrères, un tiers de religieuses et des prêtres dut quitter le diocèse.
Dès mon retour en France, l’Evêque de Goya, province plus au sud, me proposa de m’accueillir. Ce furent trois années merveilleuses. Ici, comme à Tres Isletas, les distances étaient énormes (pour célébrer Noël dans quelques-unes de mes nombreuses paroisses, je dus parcourir plus de 400 km) et très grande la pauvreté des paysans. L’Evêque DEVOTO qui prenait leur défense n’était pas épargné par les autorités d’abord civiles puis militaires après le coup d’état du général VIDELA, en mars 76.
Ce fut l’époque des persécutions, des emprisonnements, des exilés, des « disparus » et notre diocèse ne fut pas épargné ! Parmi les nombreuses victimes, il faut signaler Sœur Alice DOMON (disparue le 8 décembre 1977) qui, sur ordre des militaires, avait dû quitter ma paroisse. Très fraternellement, notre Evêque nous soutenait. Notre tâche essentielle était d’être présents, comme lui, auprès des communautés rurales, pauvres de biens mais combien riches de cœur.
Depuis mon retour, les contacts se sont poursuivis. Visites, courriers et internet m’ont permis de suivre l’évolution du pays sur les plans politique, économique et religieux. Dans ce domaine, sauf exceptions, les Evêques ont bien du mal à retrouver la confiance d’un peuple qu’ils ont beaucoup déçu durant des années par leur soutien à la répression ou leur silence complice ».
Abbé Michel RIMAUX
et le diocèse de Ferkessédougou (Côte d’Ivoire)
1983 - 1989
« Préliminaires : au Séminaire, de 1956 à 1963, j’avais bien entendu l’appel « Fidei donum » mais comme un service que des spécialistes d’action catholique, d’aumônerie de lycée ou de professeur pouvaient apporter. Cela ne me concernait pas.
Curé depuis 5 ans, débordé par le local, j’en étais à ne plus être branché sur les missions. Le Père Francis DUPONT (missionnaire Père Blanc originaire de Valenciennes) de l’animation missionnaire est venu me réveiller en me parlant de son île Kivu, au Zaïre, en 1981, lors du Congrès Eucharistique à Lourdes, nous faisant toucher du doigt la vitalité des Eglises d’Afrique : « Venez nous voir » me dit un prêtre africain sur l’esplanade, à Lourdes.
Alors, l’appel de Mgr DELAPORTE, nouvellement arrivé dans le diocèse de Cambrai, pour que l’on continue d’envoyer des prêtres dans le monde, en même temps qu’avec les Evêques de France, il demandait aux curés de renoncer à la pérennité de leur charge de paroisse, me trouvait tout prêt à me porter volontaire pour partir. La maman encore en bonne santé, le médecin favorable, pour ma part conscient d’être au moins spécialiste de la pastorale ordinaire depuis 18 ans de ministères variés, j’étais heureux de présenter à l’Evêque ma disponibilité. Je fus accepté.
J’ai appris par le journal que ce serait en Afrique. Après le contact avec le secrétaire de l’épiscopat pour les missions extérieures, André ROUSTAN, la demande de Mgr KELETIGUI, Evêque de Katiola, au nord de la Côte d’Ivoire, répondait à plusieurs critères favorables, même si aller dans un petit séminaire n’avait pas de quoi m’enchanter. Mais une lettre de l’Evêque ivoirien changeait la donne : « Vous m’enlèveriez une épine du pied si vous acceptiez d’être vicaire auprès du curé ivoirien, l’Abbé Prosper KOUADIO, à Ferkéssédougou, ville importante du diocèse ».
J’arrivais le 6 octobre 1983 à l’aéroport de Ouaga, sous surveillance armée de la révolution du Capitaine SANKARA. A l’arrière de l’avion, sur l’asphalte surchauffée de l’après-midi, je découvrais une chaleur qui pouvait m’inquiéter pour la suite du séjour.
La messe du matin, à la cathédrale de Ouaga, à 6 h, dans la fraîcheur, je me suis permis un peu de curiosité pour entrer dans la cathédrale vers laquelle je voyais se diriger, au travers de la grand place, des gens simples en tenue de travail, chapelet en main. Quelle surprise, une église de 2 000 places à moitié remplie. Où étais-je, moi qui avais au plus 7 personnes à la messe de Montigny-en-Ostrevent que je quittais. Journée longue mais folklorique dans le train au travers de la Haute-Volta pour arriver de nuit à Ferkéssédougou et entraîné par les porteurs avec mes 30 kg de bagages à la mission….
… Dans le service paroissial ordinaire, j’étais à l’aise. L’Eglise de Côte d’Ivoire, à part un répertoire de chants issu des séminaristes d’Abidjan, gardait une liturgie traditionnelle en français pour ne pas bouleverser les jeunes communautés. Je fus très vite et de plus en plus séduit par le ministère dans les villages. Je pouvais y répondre grâce au soutien financier du diocèse qui m’allouait la participation du denier de l’Eglise. Elle était investie dans les frais de voiture assez conséquents ou de fonctionnement.
Héritier d’un travail de proximité de mon prédécesseur, Maurice ALLAIRE, du diocèse de Coutances, envoyé par le Mouvement rural chrétien, et du curé précédent Missionnaire SMA, j’étais bien accueilli. Les villageois savaient que la Mission était à leur service. Un effort de culture attelée, de groupement en coopératives pour la vente de leurs produits les faisaient sentir que la foi et la vie étaient liés. Pour ma part, je venais surtout pour le ministère paroissial, catéchèse, prière, sacrements. J’en étais à une période de « récolte » : une année, nous avons eu 600 baptêmes dont 450 de jeunes et d’adultes. Je n’oublie pas le soutien fraternel et utile des Pères Missionnaires SMA de la province de Strasbourg et des Sœurs associées, de la congrégation Notre-Dame des Apôtres. Le Père Jérôme FLECK, curé d’une partie du même département, directeur du centre d’accueil et du sanctuaire marial, a été un grand frère pour moi. Sœur Térésita veillait sur ma santé et m’a obligé de me reposer dans la crise du palu des 6 mois d’acclimatation. Sœur Odile m’a ouvert à la pastorale des jeunes de la ville, Sœur Françoise à la catéchèse des grandes du cours ménager. .. Je profitais aussi de la fraternité des Clercs de St Viateur qui tiennent le collège Charles Lwanga, de belle réputation. Frère Antoine CHOMIENNE en était le directeur. Je n’étais donc pas perdu et pourtant j’étais l’étranger par la peau, par l’ignorance de la langue des villageois, l’ignorance aussi de l’histoire et de la situation économique, politique du pays et des coutumes dont je ne découvrais qu’une partie…
Mon travail en ville était classique en participation à celui de l’Abbé Prosper mon curé : offices du dimanche dans une église remplie avec chorales et nombre d’enfants de chœur, groupes de quartiers qui m’étaient dévolus, participation à la catéchèse au lycée et au collège privé Kyali, et au catéchuménat jeunes dirigé par Sœur Odile.
Pour les villages, je bénéficiais du reste du temps et des possibilités d’une voiture bien que basse, assez spacieuse pour y prendre le traducteur et y mettre 2 bicyclettes, une deuxième roue de secours, une valise-chapelle et un sac pour la nuit. Il me paraissait bon de rendre visite aux petites communautés et soutenir le travail des catéchistes, méritants certes, mais à la formation fort limitée pour la plupart. D’abord, il y eut les 6 villages dont j’héritais dans le partage des tâches. Mais d’une année à l’autre, pour répondre aux attentes, cela s’est multiplié, et j’en avais plus de 30 à suivre en fin de séjour. Pour ce ministère dans les villages, j’avais besoin d’être accompagné d’un guide pour la route au début mais toujours d’un traducteur. Paul, Robert et d’autres m’aidaient volontiers et avec compétence.…
J’apprenais les rudiments de la conversation usuelle, les prières chrétiennes et celles de la messe. L’indulgence de mes auditeurs m’encourageait, ils en riaient parfois, mais étaient heureux que je fasse l’effort de leur parler dans leur langue sans me contenter du traducteur.
Cette attention à la visite des villages a été encouragée par l’Evêque qui m’a volontiers maintenu à ce poste durant mes 6 ans (5 ans comme vicaire de l’Abbé Prosper et, la dernière année, j’ai eu cette confiance de devenir moi-même curé avant que l’Abbé Jean-Marie SORO prenne le relais).
Quelles découvertes là-bas ?
Pas déçu par la découverte d’un peuple villageois, courageux et accueillant, par ceux de la ville, souvent en lourde charge familiale des enfants qui leur sont confiés. Etonné par la vitalité des communautés, exprimée surtout par les fêtes à l’église, l’accompagnement de prière dans les funérailles. Admiratif de l’effort dans les écoles catholiques dont celles dites « de la Mission » qui sait accueillir les enfants même sans grandes ressources. Vitalité des jeunes dans le catéchuménat, les groupes Scouts et les Cœurs Vaillants. J’ai bien perçu le sens des responsabilités pris par des Chrétiens organisés en quartiers de ville ou dans les villages…
Découverte du besoin urgent dans les villages de s’associer à une grande religion : les gens se trouvent devant l’Islam ou le Christianisme (celui-ci sous le mode français et catholique ou sous le mode américain et baptiste). La qualité de la foi est un enjeu dans cette Eglise encore jeune. La formation des catéchistes de village, la solidarité ville-villages avec le soutien aux chefs chrétiens, responsables de prière demande une forte attention et des moyens. J’ai essayé de m’y appliquer durant mes 6 années, j’aurais espéré une poursuite du soutien extérieur au clergé local devenu plus nombreux et plus jeune. L’œuvre est à continuer. Je suis heureux que le souci soit porté par les Evêques qui se sont succédés. J’ai grande confiance. Ce que Dieu a voulu pour ce peuple, le terrain travaillé, la semence répandue, donneront des moissons, pas seulement des baptisés pour un temps, mais des chrétiens bien enracinés et conscients de leur mission. Léon, André, Innocent, des jeunes qui ont grandi à Ferké sont maintenant prêtres et, je pense, désireux d’être des Apôtres dans leur pays. Que le Seigneur les garde dans la ferveur de l’Evangile.
Depuis 4 ans, la Côte d’Ivoire souffre de la guerre civile et le nord du pays d’être privé de l’administration ordinaire d’un Etat. J’aurais voulu retourner encourager sur place les frères et sœurs que me sont devenus chers. J’attends le retour à la paix mais eux sont dans la souffrance…
Je termine en recommandant des amis décédés depuis mon départ, en pleine jeunesse : Nafoungona le séminariste, Jean-Paul le tailleur, frère Antoine CHOMIENNE (tué par des voleurs à Bouaké), l’Abbé Jean-Marie et tout récemment Kidou.
Eglise jeune et combien fragile, recommandée à notre attention.
Père très saint, ce sont tes enfants pour lesquels tu m’as appelé, je sais que tu ne veux pas les abandonner ».
Abbé Xavier BRIS
Cuba 1986-1992
«En sept ans, Curé d’une paroisse de 100 000 habitants, je n’ai célébré que 5 ou 6 mariages… La première année, il n’y eut que 37 baptêmes à inscrire sur les registres ! Nous étions un petit groupe de fidèles, une famille. Les visites aux malades complétaient mon emploi du temps.
Pourtant le dimanche, l’église était ouverte de 8 h du matin à 10 h du soir… J’y accueillais ceux qui, peureusement, s’y aventuraient en terre inconnue : des jeunes, pour la plupart, avec un part d’inconscience, celle de la jeunesse.
Un jour, comme un violent coup de vent, la nouvelle traversa l’île : Fidel CASTRO avait invité le Pape. La peur commença à tomber. Le résultat ne se fit pas attendre : 800 baptêmes en une semaine de mission !
Chaque année qui suivit 1 200 baptêmes ; que c’était beau de voir les adultes demander pour leurs enfants ce qu’ils n’osaient pas encore pour eux. Les petits derniers étaient bien les premiers.
La participation à l’Eucharistie dominicale augmenta un peu, le nombre des fidèles doubla et on se retrouva, sans trop de rancœur, ceux qui avaient continué à pratiquer coûte que coûte et ceux qui avaient renoncé à se rendre publiquement au culte.
On chemina vers la réconciliation.
Tous étaient heureux. Enfin, visiblement, Dieu reconnaissait sa paternité, il n’était plus le père des seuls fils aînés, Il l’était ouvertement aussi, d’abord peut-être, pour les prodigues.
Tous ne rentraient pas à la maison, mais ils y rendaient des visites. Ils venaient chercher réponse à leurs questions. Ils venaient surtout demander compréhension, consolation. Sûrs de sa prière, ils comptaient sur l’Eglise pour reprendre de l’élan, repartir d’un bon pied, agrandir leur horizon.
Ils découvraient, et moi avec eux, une maman, une bonne maman, celle qui s’occupe en premier de ses enfants les plus faibles, de ceux qui vont le moins bien ».
Abbé Hervé LE MINEZ
Prêtre Fidei donum au pays des Hommes intègres
1990 - 1993
« Pourquoi vouloir partir au loin alors que l’on manque de prêtres chez nous, en France ?
Cette question, je l’ai souvent entendu lorsque j’évoquais mon désir de vivre quelques années l’expérience de Fidei donum.
Ce désir remontait au Séminaire. En effet, j’avais été particulièrement intéressé par les témoignages donnés au Séminaristes par deux prêtres Fidei donum de notre diocèse après leur retour en France, Charles PLANCOT et Michel PITON.
Plus tard, au moment de mon ordination, je précisais à Mgr DELAPORTE que j’étais volontaire pour partir un jour au loin comme prêtre Fidei donum, quand il le souhaiterait.
J’étais fortement convaincu que le prêtre était certes ordonné pour un diocèse bien précis mais qu’il devait aussi participer à la mission universelle de l’Eglise.
Après 5 ans de sacerdoce (on m’avait alors indiqué que ce délai était requis pour être envoyé comme Fidei donum), je faisais une demande écrite à Mgr DELAPORTE lui rappelant ma disponibilité. Il me donna son accord et me demanda de prendre contact avec les responsables chargés des prêtres Fidei donum, l’un pour l’Afrique, l’autre pour l’Amérique du sud (je pensais alors partir dans cette région du monde). Après ces rencontres, Mgr DELAPORTE me laissa libre de mon choix mais m’indiqua que des liens existaient déjà avec le diocèse de Bobo-Dioulasso, au Burkina-Faso, et qu’il connaissait bien son Evêque, Mgr Anselme SANON qui était déjà venu dans notre diocèse à l’invitation du CCFD.
Je n’avais jamais entendu parler de ce pays qui venait de changer de nom (de la Haute-Volta, il était devenu le pays des hommes intègres, le Burkina-Faso). Je partirai donc pour l’Afrique.
Après une très intéressante session de préparation au départ organisée par la Coopération missionnaire à Chartres et une célébration d’au-revoir très émouvante à la cathédrale de Cambrai, me voilà parti pour Bobo-Dioulasso où j’intégrais l’équipe pastorale de la cathédrale composée de deux prêtres burkinabé et d’un séminariste stagiaire. C’est dans cette paroisse très peuplée (1 000 enfants catéchisés, des centaines de baptêmes d’adultes, de confirmations) que j’allais désormais vivre mon sacerdoce.
Mais que m’a apporté cette expérience ?
Tout d’abord, une révélation :
Un proverbe souvent entendu là-bas dit : « L’étranger te révèle qui tu es ». C’est vrai que le dépaysement a, pour premier effet, de nous révéler à nous-même. C'est-à-dire que je suis un Européen, un « blanc », marqué plus que je ne le croyais par une culture, une formation, par des réflexes culturels. C’est dire aussi que je viens d’un diocèse qui a une histoire, un fonctionnement bien différent de celui qui m’accueille. C’est dire également que je suis un « riche » qui a suffisamment d’argent pour vivre sans trop m’inquiéter du lendemain, contrairement à la grande majorité de mes nouveaux paroissiens.
Cette révélation m’a amené à prendre conscience de ma fragilité et à mieux connaître mes limites, notamment la difficulté d’apprendre à 40 ans une nouvelle langue, la difficulté à s’habituer à une autre alimentation…
Cette révélation m’a également amené à mieux réaliser que le diocèse de Cambrai est ma famille d’origine. En effet, même si on veut rapidement s’assimiler à son nouveau diocèse, on s’aperçoit que les liens avec son diocèse d’origine sont forts. J’avoue que, jamais, je n’avais autant « dévoré » la revue diocésaine, jamais, je n’avais autant attendu du courrier et, jamais, autant écrit et reçu de lettres.
Cette expérience de prêtre Fidei donum fut également source d’épreuves : celle d’être déraciné, de se sentir un étranger dans une foule qui ne parle pas sa langue, l’épreuve de ne pas tout comprendre de la vie des gens, de leur culture, de leur coutume (un exemple : étant gaucher, au début, je donnais la communion de la main gauche, chose inconcevable dans la culture africaine. Quel fut mon étonnement d’entendre mon curé me dire que cela était choquant et qu’il me fallait faire attention).
Epreuve aussi de l’impuissance face à la misère, à la souffrance rencontrée, de la frustration de ne pas pouvoir soulager les misères rencontrées journellement.
Après quelques mois, je comprenais que je ne devais pas continuer à accueillir toutes les demandes d’aide financière, car une fois parti, mes confrères africains ne pourraient pas agir de la même façon.
Mais ces épreuves, sommes toutes légères, étaient compensées par de nombreuses grâces reçues : Grâce tout d’abord de vivre l’universalité de l’Eglise, en collaboration avec des frères prêtres africains, mais aussi avec des missionnaires venus des 4 coins du monde (québécois, indiens, malgaches…).
Grâce de découvrir une Eglise jeune et dynamique, célébrant sa foi dans la joie et la ferveur.
Grâce aussi de renouveler, d’approfondir ma relation au Christ (souvent au Burkina, les paroles de St Paul reprises dans un chant avec une mélodie africaine, résonnaient dans mon cœur :
« Saisi par le Christ Jésus, je cours droit, tout droit vers le but. Pour lui, j’ai tout sacrifié, car pour moi, il s’est livré ».
Je pense pouvoir affirmer que cette expérience de Fidei donum a renouvelé mon sacerdoce et qu’elle est une chance, une joie, une grâce pour tout prêtre qui répond à cet appel de l’Eglise à aller plus loin ».
Deux Prêtres « Fidei donum » dans notre diocèse :
Abbé Paul NDAY’A MAKOLO
Abbé Lin MAHANTANA
Depuis quelques années, la dynamique missionnaire s’est élargie et les jeunes Eglises du sud envoient elles aussi des prêtres Fidei donum, ainsi notre diocèse de Cambrai bénéficie-t-il de la présence de deux prêtres venus d’Afrique et de Madagascar.
Le premier accueilli fut l’Abbé Paul NDAY’A MAKOLO, en 2003. Lors d’une rencontre organisée quelques mois après son arrivée à St Saulve, à l’occasion de la fête de Ste Thérèse de Lisieux, patronne des missions, il avait part de son expérience :
« … Mon diocèse, au Congo démocratique (anciennement Zaïre) est le diocèse de Luiza, fondé en 1967 par la division de l’archidiocèse de Kananga dans la province du Kasaï. Sa population, près de 2 millions d’habitants, est essentiellement rurale. Il est composé de 26 paroisses. On y trouve 5 congrégations de religieuses et 3 congrégations de religieux qui travaillent avec les prêtres autochtones, les catéchistes et les laïcs engagés dans le champ de la pastorale diocésaine.
Je suis d’abord venu en Belgique étudier la catéchèse et la pastorale à l’Institut International « Lumen vitae » et ensuite en France, à la Catho de Lille, pour des études en théologie. Il y a 2 ans, j’ai été accueilli par la communauté paroissiale d’Avesnes-sur-Helpe comme prêtre-étudiant et depuis quelques temps je suis maintenant prêtre « Fidei donum » au service des paroisses du Bon Pasteur en Avesnois et Notre-Dame des deux Helpes et je loge au presbytère d’Avesnelles.
L’Eglise de France me paraît, grâce à ses moyens, à son chemin parcouru et à ses atouts, très organisée et bien avancée sur bien des plans. Elle est une Eglise ouverte à d’autres Eglises et toujours prête à enrichir les autres Eglises de cette ouverture. J’avoue que j’ai beaucoup appris et j’aurai encore beaucoup à apprendre au sein de cette Eglise de France. En tant que prêtre, je suis au service de l’Eglise universelle, même si j’appartiens à un diocèse particulier. J’ai été formé par des missionnaires venus d’Europe, je peux aussi, à mon tour, rendre à l’Europe ce qu’elle m’a donné en me mettant au service de son Eglise. Nous servons le même Christ partout ».
Après quelques années passées dans notre diocèse, il ajoute : « Mon expérience de prêtre Fidei donum : Pour moi, c’est le témoignage de ma vie de foi qui compte. Et je découvre que le Christ que j’ai rencontré en terre africaine est le même que celui qui est célébré en terre européenne. Ce sont les cultures qui sont différentes et non la foi. Venu d’Afrique, avec les richesses propres de ma culture et de ma formation, j’ai tout simplement pris le Christ comme projet pour avancer dans mon travail. Et, dans toutes les tâches pastorales, je raconte seulement ce Christ que j’ai rencontré et qui est avec moi dans ma vie de croyant. La foi, même célébrée différemment, reste la même. L’essentiel est que les deux cultures qui se sont rencontrées au cours de l’histoire sans se désirer, évitent de vivre en s’excluant et en s’ignorant pour une véritable communion en Christ, lui qui nous donne la plénitude de vie ».
Le second prêtre Fidei donum au service de notre diocèse est l’Abbé Lin MAHANTANA arrivé en 2005 au Quesnoy. Il nous donne son témoignage :
Prêtre d’une Jeune Eglise
ordonné prêtre en 1992 à Antsiranana – Madagascar
« Notre diocèse a une population de 2 500 000 âmes et nous sommes une cinquantaine de prêtres. Deux secteurs bien distincts Nord et Sud. Je viens du nord et la population est majoritairement musulmane. Nous, les Chrétiens, nous sommes minoritaires.
Mes parents sont Chrétiens et j’ai été baptisé tout petit. J’ai reçu de mes parents une formation religieuse très sérieuse. Mais dans la suite, comme la plupart de mes copains de cette époque-là étaient musulmans, je les suivais et, pendant 5 à 6 ans, je n’ai pas mis les pieds à l’église. Le dimanche, au lieu d’aller à la messe avec mes parents, je jouais au ballon avec mes copains musulmans.
Je suis revenu vers l’Eglise grâce à mes contacts avec notre curé Jean-Marie AUBERT, prêtre de Paris mais Fidei donum à Madagascar, dans notre diocèse (il sera plus tard responsable national de la Coopération missionnaire – il est de nouveau Fidei donum à Madagascar). Ce prêtre m’est apparu formidable. Je dirai volontiers un homme des synthèse ; c'est-à-dire quelqu’un qui est capable de dialoguer avec toutes les catégories de personnes : musulmans, animistes ou chrétiens, jeunes ou adultes, riches ou pauvres, etc… En voyant sa manière de vivre l’Evangile au milieu de nous, je commence à me poser des questions sur ma manière de vivre ma foi. Ensuite, vient dans ma tête le désir d’être prêtre à sa manière.
Une autre étape dans ma vie : 5 ou 6 ans après mon ordination, grandit en moi le désir fort d’être moi aussi « Fidei donum ». Je ne savais pas quoi faire sinon d’écrire à mon Evêque. Je constate qu’il prend ma demande en considération car, une semaine plus tard, il me convoque chez lui. Pendant cette première rencontre, il me pose beaucoup de questions sur mon projet et,notamment, comment est venu en moi cette envie d’être « Fidei donum ». Il me rappelle pourquoi le Pape Pie XII a fait cette encyclique. A vrai dire, vu nos effectifs actuels, notre Evêque et certains chrétiens ont du mal à accepter mon départ ! Ils veulent que je reste avec mes confrères travailler dans notre diocèse.
Le temps passe mais l’Esprit Saint travaille aussi ! Fin d’année 2004, quelle joie pour moi d’entendre mon Evêque lui-même me dire qu’il accepte mon projet. Il fait tout le nécessaire pour qu’il aboutisse. Il écrit et demande à Mgr GARNIER s’il peut m’accueillir dans son diocèse ?
Suite à cela, en juin 2005, je suis arrivé à Le Quesnoy et j’ai été nommé prêtre associé au service de la paroisse St Jean Bosco en Mormal. C’est avec sourire sur les lèvres et joie au cœur que toute l’équipe des prêtres et les paroissiens m’ont accueilli. Malgré cet accueil chaleureux, je dois dire en toute vérité que c’est un dépaysement important, à cause du climat, de la culture… Dépaysé car je n’ai jamais vu le soleil se couchant à 21 h l’été, je n’ai jamais vu la neige… Dépaysé car, en arrivant ici, j’ai découvert vraiment une manière de penser, de vivre en société totalement différente de celle que je connaissais, de celle qui était la mienne.
Partout où je vais, je constate que le christianisme est omniprésent dans le paysage français : clochers, croix, chapelles… Omniprésent aussi au sein de la culture : objets d’art, noms des rues, des communes… Cependant, les français forment une société très marquée par la sécularisation et la laïcité…
Avant d’arriver en France, j’étais Curé d’une paroisse très populaire : Antanambao. Tous les dimanches, 2 500 personnes assistaient à la messe et la plupart d’entre elles étaient des jeunes. Arrivant ici, en France, je suis surpris de voir le petit nombre de gens qui participent à la messe et il s’agit en grande partie de personnes âgées ! Où sont les jeunes ? Pourquoi sont-ils absents dans notre Eglise ? Par contre, il est vrai que les laïcs sont très engagés dans l’animation de l’Eglise. Malgré cela, cette absence massive des jeunes est inquiétante quand même ; ils sont l’avenir, l’Eglise de demain mais nous les rencontrons très peu aujourd’hui ! Vu la complexité de la structure de la société française actuelle pour les jeunes et les organisateurs, c’est très difficile de trouver des temps pour se rassembler afin de pouvoir discuter au fond sur la question de la foi. Je constate que les propositions de loisirs, de distractions, de culture sont trop nombreuses : sport, danse, musique, atelier peinture, lecture, chant, etc… De ce fait, les jeunes ont du mal à gérer leur temps et à planifier un programme personnel. Ils ont du mal à se situer dans leur vie. Et souvent vient une question : « Que peut-on faire pour que le monde connaisse la Bonne Nouvelle et la mette en pratique, pour que tout le monde arrive à vivre en harmonie avec sa foi et son prochain ? ».
Devant cette question, je n’ai pas de réponse toute faite ! Mais en tant que témoin d’une jeune Eglise, je pense que l’orientation de la Paroisse Nouvelle nous aide à mieux vivre notre foi dans un monde qui a besoin de voir, de toucher pour croire.
Enfin, je remercie Mgr François GARNIER qui accepte de m’accueillir dans son diocèse. Je souhaite que les échanges entre nos diocèses ouvrent des horizons ».
Présence au Togo
des Sœurs Augustines-Hospitalières de l’Immaculée Conception
« L’amour est comme la liane qui s’étend toujours plus loin… »
Proverbe Africain
C’est dans le souffle de l’encyclyique Fidei Donum que les responsables de la Congrégation des Sœurs Augustines de Cambrai ont décidé de partir au loin…
La proposition vers un ailleurs – quel ailleurs ? – a commencé dès 1960…
Ce désir de devenir missionnaire a alors croisé l’appel de Monseigneur HANRION, franciscain, originaire du Nord de la France – administrateur Apostolique du diocèse de Dapaong au Nord Togo. Mgr HANRION est arrivé dans cette région en 1960 et il en deviendra le premier évêque.
« Je me souvins », dit-il, « que, dès mon arrivée à Dapaong, je cherchais l’aide de religieuses pour travailler avec les Pères à l’évangélisation dans différents postes de mission… ces postes devant devenir des paroisses ».
C’est ainsi qu’ayant eu connaissance de notre désir, il nous fit appel… mais nous étions hospitalières et non dans la pastorale… ceci ne correspond pas… et Mgr HANRION de continuer son récit : « Il aura fallu une nuit de lucide insomnie pour penser que, dans la région, il y avait un hôpital pour adultes et enfants mais que les enfants étaient les « parents pauvres » étant donné l’exiguité des bâtiments… j’eus l’idée que l’ouverture d’un hôpital pour enfants ne ferait pas concurrence à l’hôpital officiel mais, au contraire, le soulagerait et lui permettrait de mieux remplir son office auprès des adultes ».
Les Sœurs baptisèrent leur hôpital « Yendube » (« Dieu est là ») et le résultat de leurs activités fut que la population de Dapaong et des environs reconnut les services rendus par les Sœurs à leurs enfants et accueillit plus volontiers les Pères et les catéchistes venant de leur village. (Novembre 1966).
Le 4 mais 1962, ce fut l’envoi en mission de quatre Sœurs et une laïque à la cathédrale de Cambrai et, le 18 juillet, l’embarquement pour cette grande aventure… qui permit ainsi à toute la Congrégation de devenir missionnaire, suivant en cela notre Père Saint Augustin dont l’histoire nous dit qu’il aurait aimé évangéliser pour eux-mêmes les Africains sans les rattacher à l’empire Romain… Il avait déjà le souci de l’inculturation…
La Congrégation des Sœurs de Sainte Thérèse d’Avesnes
Notre congrégation, diocésaine, très localisée dans le Nord, n’est pas missionnaire à l’origine. Elle se consacre simplement à l’éducation de la jeunesse et travaille dans le domaine de la santé. Cependant, plusieurs Sœurs avaient déjà exprimé à la hiérarchie leur désir profond d’élargir à l’extérieur notre champ d’apostolat… Mais l’heure n’était pas encore venue…
Soudain, tout change fin décembre 1962 ! A la faveur du concile Vatican II, un évêque missionnaire, Monseigneur CANONNE, originaire de notre diocèse et en route vers Rome, nous demande de l’aide et nous appelle dans son diocèse, au sud de Madagascar. L’appel est répercuté parmi les Sœurs et même parmi les anciennes élèves. Si bien qu’en août 1963, une petite équipe de 3 Sœurs et 2 laïcs ouvrent leur première école et leur premier dispensaire en terre malgache. Dans la précarité et la fragilité, mais avec foi et audace.
Au fil des années, la Mission s’étend. Elle ne cesse d’accueillir ces affamés de pain et d’amour. Elle essaie, à travers ombres et lumières, de leur dire ce Dieu qui nous aime et veut notre bonheur. Et, aujourd’hui, des jeunes religieuses du pays se lèvent à leur tour et quittent leur « Grande Ile » pour aller dire, dans une autre région d’Afrique, cette foi qui les fait vivre.
Loué sois-tu, Seigneur de nous donner la joie de te servir en Eglise et de nous donner des frères à aimer !
Nos premiers prêtres « Fidei donum »
déjà repartis vers la maison du Père
L’Abbé Prudent GUEUDIN « Fidei donum » en Algérie 1959 - 1980
Né à Lallaing en 1920, il travailla tout d’abord dans les mines, puis une vocation tardive l’amena en entrer au Séminaire des aînés à Maretz. Il est ordonné prêtre 29 juin 1952.
Vicaire à Orchies en 1952 puis à Ferrière-la-Grande en 1956, il part en 1959 pour l’Afrique du Nord pour répondre à l’appel « Fidei donum » lancé par le Pape Pie XII.
Il exerce dans le diocèse d’Alger divers ministères pendant 20 ans et notamment comme Doyen de Chenoua. Nommé d’abord à la paroisse St Charles d’Alger, il y vécut la période troublée de la guerre d’Algérie. Ensuite, affectée aux paroisses de Blida, de Marengo puis de Cherchell.
C’est là qu’il se trouva brutalement paralysé en mai 1980. Hospitalisé sur place, il fut ensuite soigné à Alger avant d’être rapatrié en France. Il devait décéder à Avesnes-sur-Helpe le 26 mars 1981 à l’âge de 60 ans.
L’Abbé Jean VISSE « Fidei donum » au Cameroun 1959 - 1964
Originaire de la Sambre, né à Marpent en 1920, Jean VISSE était issu d’une famille nombreuse chrétienne qui donna à l’Eglise une religieuse et un prêtre.
Après ses études au petit séminaire de Solesmes, il poursuit sa formation au grand séminaire durant la guerre. Ordonné prêtre en 1945, il est d’abord Aumônier militaire dans le camp de prisonniers de guerre allemands d’Hornaing.
Démobilisé en 1946, il est nommé vicaire à Somain, puis en 1956, devient Curé de Prouvy.
Très engagé dans l’Action Catholique Ouvrière, il est missionnaire du travail à Douai où il est à l’origine du Secrétariat social. Il devient également Aumônier fédéral de la J.O.C.
C’est dans la continuité de cet engagement qu’il part au Cameroun comme prêtre Fidei donum, de 1959 à 1964. En janvier 1960, il assiste à l’indépendance de ce pays.
Revenu en France en 1964, il est nommé Curé de Préseau puis de Fourmies Notre-Dame. Après un séjour de quelques mois à la Maison St Jean-Marie Vianney, à Cambrai, pour des raisons de santé, il reprend du service, en 1971, comme Curé de Marcoing.
En 1979, il revient à Douai comme prêtre associé à la paroisse Notre-Dame tout en assurant l’Aumônerie de plusieurs Equipes d’Action catholique.
Il s’éteint à l’âge de 82 ans en octobre 2002.
Fidei Donum : 50è anniversaire |