L'abbé Jean-Roland CONGO, Fidei Donum

Article paru dans Église de Cambrai n°13 du 28 juin 2018, et n°14 du 12 juillet 2018

Abbé Jean-Roland CONGO Abbé Jean-Rolland CONGO  

 

 

 

 

Originaire du Burkina Faso, l'abbé Jean-Roland CONGO vient d'être nommé délégué diocésain au service de la coopération missionnaire. Nous l'avons rencontré le 15 mai dernier.

 

Vous avez été ordonné en 2004, quel a été votre parcours vers la prêtrise ?

Je suis né en 1969 dans un village au centre du Burkina Faso (Kombissiri), dans une famille mixte : un père musulman et une mère catholique convertie (elle était de religion traditionnelle), au milieu d'une fratrie de 14 enfants qui avaient la liberté d’embrasser la religion de leur choix. Certains sont restés dans la religion traditionnelle, d’autres sont musulmans et avec moi il y a qui sont catholiques comme notre maman.
Il me plaisait bien d’accompagner maman aux offices religieux à l’église. Mes autres frères et sœurs étaient moins enclins à cela. Dans ma scolarité j'ai côtoyé en primaire des Frères de la Ste Famille qui m’ont marqué, puis en secondaire des rédemptoristes qui m’ont séduit. Leur charisme et leur spiritualité m'ont particulièrement saisi : évangéliser les pauvres et se laisser évangéliser par eux, lire l’Évangile dans les mains des pauvres et des petits. Cela répondait à ce que le Christ disait de lui-même : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, il m'a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres » (Luc 4, 18). C'est cette éducation qui est fondatrice de ma vocation de devenir comme eux prêtre missionnaire.

Mon papa ne voulant pas que j'entre au séminaire, j'ai continué mes études normalement et j'ai fini kiné. J'ai travaillé surtout auprès des enfants qui portaient un lourd handicape. Mais mon désir de devenir prêtre ne tarissait pas.

J'étais accompagné par un Père Rédemptoriste Georges ARNOUX, qui répondait à toutes mes questions avec beaucoup de bienveillance. Il m’aimait et me portait comme un fils. Il m'a dit un jour "si tu veux devenir prêtre missionnaire, c'est maintenant ou jamais". Alors, j’ai quitté mon boulot que j’aimais tant et je suis parti avec une décision ferme de ne plus revenir en arrière. Il m'a alors envoyé, avec mon accord, à Parakou (Bénin) pour une remise à niveau en philosophie et en français. Accompagné au niveau spirituel par les moines de Kokoubou et au niveau intellectuel par les frères de l’instruction Chrétienne, frères de Ploërmel, j'ai passé 2 ans de réflexion pour préciser ma vocation. A l'issue de cette longue retraite, je suis revenu au Burkina pour être inscrit au grand séminaire St-Jean Baptiste (Ouagadougou). Après les années de philo, le temps du noviciat (12 mois), tout en m’aidant au mûrissement de ma vocation, me permettra de retrouver la sérénité de la prière et l’engagement par les trois premiers vœux comme religieux Rédemptoriste. Suivront ensuite 4 années de théologie et une année de stage pastorale au grand Nord du Niger. Le tout couronnées par l’engagement définitif (vœux perpétuels) qui ouvre aux ordres : diaconat, presbytérat et envoie en mission.

 

Vous avez été prêtre en paroisse au Burkina, puis à partir de 2015 dans notre diocèse, j'aimerais recueillir votre témoignage sur la mission pastorale, et au-delà sur la vie de l’Église, là-bas et ici ?

J'ai été nommé vicaire une année dans la Paroisse de Tibga. Après cette expérience auprès d’un super curé, j’ai été nommé curé de la paroisse de Kantchari en juin 2005. Là, avec l'aide et l’accompagnement de l'Association Amitié Burkina Cambrésis (ABC) et d'autres partenaires, j'ai pu durant 10 ans travailler auprès des personnes en situation de pauvreté. Proposer la foi en Jésus Christ devrait avoir des effets de Salut constatables dans la vie des femmes et des hommes auxquels nous sommes envoyés. La proposition de la foi est accompagnée par des œuvres précises qui améliorent qualitativement la vie des personnes : construction de forages pour l’eau potable, mise en place d'un centre de récupération nutritionnel (CREN) pour des enfants qui deviendra un dispensaire au profits de la mère et de l’enfant, soutien scolaire aux enfants, et accompagnement aux agriculteurs pour mieux produire et améliorer leur conditions de vie. Le tout au nom Jésus Christ. L’Évangile nous fait grandir humainement. C’est en prenant conscience de la noblesse de son être, que l’Homme peut devenir fils ou fille de Dieu et voir en tout homme et en tous les Hommes cette filiation à Dieu qui nous permet de construire une fraternité universelle : utopie pour certain mais réalité pour tous ceux qui sont capables de dire « Abba ! »

En 2015, l'évêque de Fada, suite à des difficultés avec mes confrères, a proposé à Mgr GARNIER de m'accueillir comme prêtre Fidei Donum. J'ai été accueilli à Caudry par le père Hervé LE MINEZ et installé par la suite à Clary comme curé solidaire. Il y a eu des moments d’adaptations difficiles mais j’ai vraiment eu beaucoup de chance d’être si bien entouré par des gens extraordinaires.

Village Burkinabé Village Burkinabé  

L’Église au Burkina est organisée en Communautés Chrétiennes de Base (CCB). Ce sont les regroupements de CCB qui forment la paroisse. Ces CCB s’organisent autour d’un village ou d’un quartier (quand c’est dans les villes) pour vivre au quotidien l’appel du Christ à être sel de la terre et lumière du monde. Elles élisent leur président qui forme un petit bureau avec des responsabilités partagées. La paroisse leur affecte un catéchiste formé et sa famille qui est désormais le lien entre le Curé et la CCB. Ensemble, ils organisent l’assemblée du dimanche autour de la Parole de Dieu. Ils s’occupent de la transmission de la foi et assurent les funérailles et les préparations au Baptême ; les visites aux personnes malades, les actions de solidarité sont vécues quotidiennement selon les appels... Le prêtre ne rencontre les communautés qu'une, deux, trois ou quatre fois par mois selon les besoins. Il reste un jour ou deux, pour administrer les sacrements les sacrements, rencontrer les différents groupes et rappeler à tous les objectifs de la paroisse et du diocèse. Il s’entoure pour cela d'un conseil, des chrétiens du cru qui, avec leur bon sens, cherchent à aider leur curé à assumer son rôle de pasteur. Les lettres de mission du conseil sont différentes de celles des EAP ici. Mais dans l’ensemble je pense qu’ils ont les mêmes objectifs qui peuvent se résumer à : être partie prenante de la mission d’évangélisation de l’Église.

J'étais responsable dans le diocèse de Fada N’gourma, du dialogue avec les personnes des autres religions. Au Burkina, c'est une situation ordinaire que le dialogue entre les adeptes des différentes religions qui vivent ensemble dans les quartiers, les villes et villages et dans tout le pays. C'est le cas par exemple, dans ma famille ou chacun choisit sa religion et sa vie tout en honorant les liens sacrés avec la famille. Tout repose sur le socle familial. Les différences entre religion sont atténuées par ces liens auxquels chacun porte un sacré respect. Aussi il ne peut pas exister de conflit entre religions, au contraire. Deux exemples assez parlants que j’ai vécu : la construction d'une église dans un village avec l'aide de la communauté musulmane et vice versa pour la construction de la mosquée du même village, ou encore, la fête de mon ordination organisée par tout le village (toutes religions confondues).

Au Burkina la famille reste une valeur première dans les villages. Cependant, dans les villes une dégradation de ces liens familiaux commence à se faire sentir. Le besoin de s’émanciper et l’appât du gain facile porte parfois des individus à ignorer leurs origines. Ces personnes sont facilement embobinées par des groupes radicalisés. C’est le drame ! Notre travail à la commission dialogue est d’éveiller les consciences, de rappeler les valeurs qui fondent notre société et enfin de renforcer les liens de familles pour atténuer les influences idéologiques qui peuvent détruire le tissu social. Nous insistons sur le dialogue de la vie et la prière pour les mêmes objectifs.

On peut finir par cette comparaison qu’on entend souvent à propos des célébrations liturgiques. Le contexte culturel fait que nos célébrations au pays paraissent plus vivantes que celles que je vis tous les jours ici. Cependant, mon sentiment est pourtant que les chrétiens ici et là-bas ont les mêmes visées, les mêmes besoins, les mêmes questionnements, et au plus profond la même prière car c'est la même foi en ce Dieu qui nous sauve qu'ils partagent.

 

Depuis votre départ en 2015, le Burkina Faso a connu des troubles. Quelle est la situation du pays aujourd'hui ?

Sous la longue présidence de Blaise CAMPAORE, le Burkina était le carrefour où se rencontraient beaucoup de forces opposées des pays d’Afrique pour discuter et trouver ensemble des solutions à leurs problèmes ; le président et son équipe jouaient ainsi un rôle de modérateur. Sa destitution a participé à la déstabilisation de la sous-région et à une avalanche de problèmes longtemps inconnus par nos populations. Aujourd'hui le nord du pays et la frontière avec le Mali sont classifiés zones à haut risque, déconseillées pour tout voyage. Le nouveau gouvernement démocratiquement élu, confronté aux difficultés économiques, à la situation sociale qui se dégrade, n'a pas la tâche facile pour réorganiser le pays. La grogne sociale sur tous les plans, la désillusion des insurgés, les groupes terroristes et une gestion partisane du bien commun ont fini par ternir la confiance des populations face cette nouvelle équipe gouvernementale. Il y a donc de grands défis à relever et j’espère que ma prière peut encore être d’une grande utilité. Je ne doute pas !

 

Une dernière question : comment avez-vous reçu la mission de délégué diocésain qui vous a été confiée ?

J'ai accueilli l'appel de Mgr GARNIER avec beaucoup de joie, mais pas sans appréhension. Je me demande comment pourrai-je y arriver ? mais la question est mal posée. Je devrais dire : comment me laisser porter par l’Esprit Saint ? Je prie donc l'Esprit Saint de m'éclairer, de m'accompagner, de me donner sa force pour pouvoir le mieux possible rendre le service qui m'est demandé. Après tout, c’est lui qui conduit l’Église.

La coopération missionnaire essaie de nous tourner vers l'universalité de l’Église, c'est séduisant pour moi qui suis prêtre "venu d'ailleurs". J'accepte cette mission avec humilité sachant que je suis sur un terrain et avec des personnes qui peuvent me porter, m'aider à apprendre, afin de vivre ensemble cette aventure pleine de belles surprises.

 

Propos recueillis par Michel LAISNE

 

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Article publié par MICHEL LAISNE • Publié le Mercredi 03 avril 2019 - 14h36 • 2322 visites

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